L'émergence du numérique et, tout spécifiquement d'Internet puis du web 2.0, est liée à des imaginaires (Musso, 2009) qui font que, selon les positions adoptées, ces technologies sont considérées comme « miracles ou frayeurs » (Scardigli, 1989, p. 31). Ainsi, le discours officiel sur le numérique dans l'enseignement-apprentissage (des langues) a été et reste encore souvent prophétique et injonctif appelant à profiter les potentiels de la technologie (Commision européenne, 2013; OCDE, 2015).
De nombreuses recherches en didactique des langues, dans la même veine que ces discours, ont porté sur l'intérêt de l'utilisation du numérique en classe de langue en termes d'efficacité et d'amélioration des apprentissages. A titre d'exemple, citons, dans les premières recherches sur l'utilisation d'Internet, celles qui ont souligné une participation plus forte et souvent mieux répartie entre les apprenants (Bump, 1990; Kelm, 1992; Kern, 1995; Warschauer, 1996) et, plus récemment au-delà du seul domaine des langues, le rapport de l'OCDE qui montre bien quelle est la préoccupation première de telles études puisque le résultat clé (très médiatisé) est le fait que l'utilisation actuelle des TICE n'a pas d'impact visible sur les performances des apprenants.
Dans cette communication, nous entendons réfléchir sur l'intérêt de se tourner vers « ce qui a trait à l'activité des sujets plutôt que de se focaliser sur les prouesses supposées des technologies » (Guichon, 2012). A travers la présentation d'une approche sociocritique de l'utilisation du numérique en éducation telle qu'elle est en train de se structurer actuellement (Collin et al., 2016; Collin, Guichon et Ntébutsé, 2015; Selwyn, 2010) en référence aux travaux de l'École de Francfort et des théories techno-critiques (Feenberg, 1991, 1992; Horkheimer, 1937; Markuse et Horkheimer, 1937), nous entendons réfléchir à de nouveaux espaces de recherche, s'intéressant à l'humain et aux relations sociales de pouvoir et de domination : études de l'utilisation observable et quotidienne des technologies par les enseignants et les apprenants de langues en dehors de situations d'expérimentation en mettant en lien les résultats avec des données sociologiques sur les acteurs ou encore déconstruction de discours et fantasmes tel que celui de « nouvelles relations de pouvoir dans la classe ou la communauté » (Warschauer, 1998) et de la conquête de « l'exercice de fonctions sociales qui nous échappaient » (Weissberg, 1999, p. 137).
Références bibliographiques dans le document joint.
- Autre